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Université de Bordeaux Montaigne
 

"La cohésion peut aussi naître de la diversité territoriale"

le mercredi 26 février 2020

La gazette des communes.
 


Propos recueillis par Hélène Girard.

François Pouthier, Professeur associé des universités à Bordeaux.
 

Dernière mise à jour jeudi 02 avril 2020
Photo François Pouthier

Professeur des universités à Bordeaux, François Pouthier analyse pour La Gazette en quoi l'éducation artistique et culturelle pourrait apporter un nouveau souffle aux politiques culturelles. Une conviction forgée à la lumière de 16 projets intercommunaux en Nouvelle Aquitaine, où s'esquisse une nouvelle approche de la notion de territoire. François Pouthier a codirigé l'ouvrage collectif « La Fabrique territoriale de l'éducation artistique et culturelle »(Ed. La Librairie des territoires, 2019), qui décrypte seize projets intercommunaux menés en Nouvelle-Aquitaine pendant cinq ans.

Pour « La Gazette », il analyse en quoi l'éducation artistique et culturelle (EAC) peut apporter un souffle nouveau aux politiques culturelles. Un potentiel repérable dans certains projets, à l'heure où le ministère de la Culture affiche un objectif chiffré - atteindre 100 % des enfants - exprimé sous la formule « 100 % EAC », et où le gouvernement poursuit la concertation avec les élus sur le projet de loi « 3 D » (décentralisation, déconcentration et différenciation).

Encadré(s) :

01 - Qu'est-ce qui distingue l'éducation artistique et culturelle des autres politiques culturelles ?

D'abord, il ne s'agit pas d'une catégorie d'intervention publique des secteurs historiquement très construits, constitués en silos, comme la danse contemporaine ou les enseignements artistiques. Avec les contrats territoriaux d'éducation artistique et culturelle, différents secteurs doivent se fédérer - livre et lecture, spectacle vivant, etc. -au sein du champ culturel. Ce qui leur confère une grande force.

Ensuite, ces démarches associent l'Education nationale et l'éducation populaire (centres de loisirs, centres socioculturels, etc.). Donc on n'est pas uniquement dans le domaine des apprentissages formels, mais aussi dans celui des apprentissages non formels. Le lien se fait aussi parfois avec le social. En un mot : on rassemble autour de la table des acteurs qui sont a priori bien ancrés dans le territoire considéré, qui se connaissent parfois, mais ne se parlent pas toujours.

02 - Que pensez-vous de l'objectif « 100 % EAC » de l'Etat ?

Il s'agit d'une directive nationale assez comptable. On peut penser cet objectif autrement : atteindre 100 % des territoires. Il faut alors avant tout s'intéresser à la démarche plutôt que de comptabiliser à tout prix des actions pour atteindre un chiffre.

Nous sommes dans un pays où la cohésion se juge par la similitude des politiques où que l'on soit. Or la cohésion peut aussi naître de la diversité, longtemps considérée comme un problème. A condition que celle-ci se situe dans une alliance entre des valeurs communes et leurs traductions différentes. Ce « 100 % EAC » comporte aussi un risque de concurrence entre les territoires. Pour des parents, le cadre éducatif et culturel des enfants peut être déterminant dans le choix d'un territoire. Cependant, dans les projets de Nouvelle- Aquitaine que nous avons étudiés, aucun élu n'a parlé d'attractivité territoriale. Cela signifie que ces projets sont centrés sur ceux qui vivent là.

03 - Y a-t-il là matière à réflexion pour le projet de loi « 3D » censé faire la part belle à la différenciation des territoires ?

Entrer dans l'élaboration de projets d'éducation artistique et culturelle par le prisme des territoires - un EPCI ou tout autre espace qui ne recoupe pas forcément un découpage administratif - crée de la diversité. Aujourd'hui, nous ne prenons pas conscience que cette diversité est nécessaire tant pour les personnes participantes et l'action qui se déroule que pour les parties prenantes du projet. Les contrats territoriaux d'éducation artistique et culturelle reposent bien sûr sur un référentiel dorénavant stabilisé et sur des valeurs partagées, mais aussi sur des différences dans la manière de les mettre en oeuvre, dans les résultats à atteindre.

Avec, au passage, la reconnaissance des personnes dans leur dignité et leur capacité à faire humanité ensemble dans un territoire, sans pour autant remettre en cause l'union nationale !

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